LES ÉDITOS
Après plusieurs mois de mobilisation syndicale, de débats (avortés selon certains en raison du recours à l’article 49-3 de la Constitution), la loi TRAVAIL (dite loi El Khomri) qui a fait couler beaucoup d’encre a enfin été votée et promulguée le 8 août 2016.
Cette loi vise notamment à donner de la souplesse afin de renforcer la compétitivité des entreprises.
On peut en douter au vu des mesures adoptées.
Comme souvent en matière sociale, le gouvernement et les partenaires sociaux sont à l’origine de textes et d’accords avant tout conçus pour les grandes entreprises et dont la complexité rejaillit sur les plus petites souvent désarmées pour les appliquer au quotidien.
La loi TRAVAIL n’échappe malheureusement pas à ce constat global bien que l’on puisse y trouver çà et là des mesures spécifiquement dédiées aux TPE PME.
La loi TRAVAIL marque le point de départ de la réécriture de la partie législative du Code du Travail. C’est en matière de durée du travail et de congés que le Code du Travail a été réécrit et recodifié sur la base de l’architecture suivante :
Mesures d’ordre public auxquelles on ne peut pas déroger
Champ ouvert à la négociation collective
Mesures supplétives applicables à défaut d’accord collectif de branche ou d’entreprise
Cette nouvelle présentation astucieuse doit se généraliser dans les mois et années à venir pour toutes les autres parties du Code du Travail : affaire à suivre !
Le champ de la négociation collective a vocation à se développer et ceci afin de permettre de conclure des accords collectifs au plus près du terrain afin de mettre en œuvre des solutions adaptées aux besoins des entreprises (à défaut il faudra appliquer les mesures supplétives de la loi !).
Jusqu’à présent, les sources du droit étaient fortement hiérarchisées et il n’était pas possible pour une source de droit inférieure de déroger à une source de droit supérieure sauf à créer des avantages plus favorables aux salariés.
La loi TRAVAIL ouvre une brèche importante en renversant la hiérarchie des normes sur certains sujets : primauté de l’accord d’entreprise (source de droit inférieure) sur l’accord de branche (source de droit supérieure).
A se tenir à cet aspect des choses on se dit que l’on va enfin pouvoir négocier dans l’entreprise une organisation du travail propre à satisfaire conjointement les besoins de l’entreprise et ceux des salariés sans être enfermés dans le carcan de ce qui a été négocié au niveau de la branche.
Oui mais il faut toutefois éviter de se réjouir trop vite :
la branche conservera un droit de regard et pourra déterminer des thèmes sur lesquels le principe de primauté de l’accord d’entreprise ne sera pas applicable,
la TPE PME n’est pas très habituée à la négociation d’accords d’entreprises (même si la loi REBSAMEM du 17/08/2015 a simplifié la négociation dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux).
Et si l’on veut demain mettre en place des mesures spécifiques propres à l’entreprise, il faudra se familiariser avec ce processus de négociation des accords.
Prenons un exemple :
Les heures supplémentaires doivent être majorées (mesure d’ordre public).
Le taux de la majoration est laissé dans le champ de la négociation sans pouvoir être inférieur à 10 % : autrement dit une entreprise peut aujourd’hui par accord d’entreprise fixer un taux de 10 % quand bien même la branche fixerait un taux de 20 % (primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche).
A défaut d’accord d’entreprise ou de branche, c’est la mesure supplétive de la loi qui doit s’appliquer et donc un taux de majoration de 25 % pour les 8 premières heures et 50% au-delà.
Cet exemple peut se décliner sur beaucoup de sujets mais chacun a compris que l’entreprise, dès lors qu’elle s’approprie demain le processus de négociation des accords d’entreprise, pourra aménager son organisation du travail afin de mieux répondre à ces contraintes renforçant ainsi sa compétitivité et favorisant ainsi la pérennité de l’emploi et son développement.
Au-delà de cet aspect, la loi TRAVAIL aborde de nombreux autres sujets dont une redéfinition (à la marge !) du licenciement pour motif économique.
Parmi les autres mesures adoptées citons notamment :
harmonisation des procédures en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle que cette inaptitude soit d’origine professionnelle ou non,
poursuite de la reforme de la médecine du travail,
renforcement des outils de lutte contre le détachement illégal,
mise en place progressive du CPA (compte personnel d’activité) qui aura vocation à regrouper le CPF (compte personnel de formation), le C3P (personnel de prévention de la pénibilité) et le CEC (compte d’engagement citoyen) => vous vous y perdez, nous aussi !!,
adaptation du droit du travail à l’ère du numérique avec l’introduction dans la loi d’un droit à la déconnexion (obligation pour l’entreprise de mettre en place des dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques notamment des messageries).
La loi TRAVAIL a donc modifié sur un certain nombre de points notre législation et offre de nouvelles possibilités aux entreprises notamment pour aménager l’organisation du temps de travail au plus près de leurs besoins et ceux de leurs salariés mais attention cela ne sera vrai que pour les entreprises qui feront l’effort :
de réfléchir à une amélioration de leur organisation du temps de travail
de négocier par accord d’entreprise les changements souhaités dans un esprit « gagnant- gagnant » : un plus pour l’entreprise et donc un plus (et non un moins) pour les salariés.
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